L’inspiration nécessaire à l’écriture romanesque me paraît être un mécanisme subtil, propre à chaque individu. C’est pour cela que les recommandations sur une discipline d’écriture me laissent perplexes. Si discipline il y a, elle doit être …. Indisciplinée. Il s’agit – me semble-t-il – d’aller constamment chercher en soi. Fouiller comme le contraire d’enfouir. Faire remonter ce qu’on s’est employé à taire. Faire vibrer les idées – c’est facile –, les émotions – c’est plus dur –.
Chercher du matériau, toujours, tout le temps, dans les ressentis, les curiosités, les colères, les chagrins, les joies. Se laisser ouvert pour que cela arrive, partout, n’importe quand, même – et surtout – quand ce n’est pas prévu : dans un dîner ennuyeux, sur un quai de gare, dans le métro bondé, dans la morosité d’un dimanche après-midi pluvieux. Indiscipline, vous dis-je…
Au-delà de ce que je viens de décrire, la radio, les films, les lectures sont des puissants outils d‘inspiration. Parfois un titre, une idée, une phrase, les mots des autres. Même une simple évocation, en passant, comme une réplique dans un film, un bout d’article, quelques phrases dans un roman. Comme par exemple cet extrait dans Le tort du soldat de Erri De Luca :
« (…) Dans leurs actions, les militaires imposaient aux prisonniers de regarder à terre, il était interdit de regarder en face le soldat allemand. Mais la voix, ils devaient l’entendre. Ils pouvaient s’en souvenir. On sait bien que dans certains cas on a pu reconnaître une personne à sa voix. L’ouïe plus que la vue est inexorable dans la certitude. Mon père prenait la précaution de parler d’une voix éteinte, sans timbre, dans les lieux publics. (…) »
Je ne sais pas encore comment j’utiliserai, à l’avenir, ce que je découvre ici sur la mémoire des voix mais l’idée m’habite, fait son chemin et reviendra un jour, je le sais, au bout de mes doigts sur le clavier.
Face à un paysage, ce n’est pas ce qu’on voit qui fait inspiration, c’est ce qu’on ressent.